Nouvelle école, nouvelles rencontres ~

Ce n’était pas tellement le fait d’arriver dans un lieu totalement inconnu qui gênait le plus Skylark. Non, c’était plutôt de se retrouver tout seul. C’est vrai que chez lui, il était toujours plus ou moins collé à sa mère. Parce qu’elle voulait tout le temps lui apprendre des choses certes, mais tout de même. Et là, il se retrouvait dans un monde inconnu et étrange sans le moindre soutien parental. Tout cela s’annonçait plutôt mal pour tout avouer. Resserrant sa prise sur sa besace, presque remplie à ras-bord par les soins maternels, le jeune garçon marqua un temps d’hésitation avant d’entrer. Après tout, c’était un peu de sa faute s’il était là… Si jamais Skylark avait émit la moindre protestation suite à aller dans cette école, aucun doute que ses parents l’auraient écouté. Simplement, il n’avait pas vraiment de volonté de contestation et s’était laissé entraîner par le fil des évènements. Restait à savoir ce qu’il devait faire dans cet école.

L’adolescent se demanda pendant quelques secondes quels étaient les cours dispensés ici, n’en ayant pas été informé, puis décida qu’il verrait bien. Sa mère lui avait dit que c’était un endroit pour les gens spéciaux, comme lui, et également pour sorciers. Ce qui avait un peu étonné le garçon qui ne possédait pas le moindre pouvoir en soi. Par contre, au niveau d’être ‘spécial’, son statut de semi-démon cannibale lui conférait un certain avantage dans la situation. Bon, à présent, il fallait se souvenir de tout ce qu’on lui avait dit. Premièrement, il fallait porter un uniforme, moche selon Skylark. Ensuite il fallait qu’il se souvienne de sa maison, de dingues toujours selon lui. Et pour finir qu’il devait rester ici quelques années, pour son bien selon sa mère. Les choses auraient put être pires.

Passant une main dans ses cheveux noirs, tout en tenant toujours la lanière de sa besace de l’autre, le gamin se dit qu’il devait cesser de voir les choses de manières négatives et de considérer cet endroit comme une prison. Il allait enfin pouvoir fréquenter des autres personnes plus ou moins de son âge, s’était déjà pas mal, non ? A propos ça lui donnait faim de penser à ça.

*Si je pars sur cette voie, je donne pas cher du résultat… *

Marmonna t-il mentalement, se connaissant plutôt bien au sujet de ses actes de cannibalisme. Surtout qu’ici, on ne mangeait pas de viande humaine. Il faudrait donc se venger sur des paquets de biscuits. Bien que les biscuits faisaient grossir d’après sa mère. Sa main, celle qui était dans ses cheveux, effectua une descente tandis qu’il attrapait le bas de son t-shirt rouge sombre, n’ayant pas encore eu le temps de mettre son uniforme. Un geste sans doute un peu nerveux pour un gamin peu sûr de lui. Et dire qu’il avait entendu dire que les gens de sa maison, dont il avait déjà oublié le nom par ailleurs, étaient plus ou moins fêtards et animés… Il allait faire tâche. En tout les cas, maintenant il était ici et il allait devoir s’y faire au lieu de ruminer.

"Il a le diable au corps, cet enfant !"

Hybris entendait encore la voix hystérique de Mrs Candwell claquer comme un fouet à son attention dans une rue presque déserte de Philadelphie. La scène avait pour seuls spectateurs Hybris, sa grand-mère, une bande de gamins mal à l'aise et quelques mères à l'air sévère et à la bouche pincée. Mrs Candwell resserra sa prise sur le bras valide de son fils et le traîna tant bien que mal jusqu'à sa voiture. Ils montèrent et le véhicule ne tarda pas à s'éloigner.
Un silence gênant pesait sur la dizaine de personnes encore debout dans la rue. Les quelques mères présentes entreprirent de rassembler leurs rejetons et quittèrent sans un mot la scène du crime. Hybris lança un regard en coin à sa grand-mère, qui le lui renvoya, assorti du sourire d'un chat satisfait. Les derniers garnements ne tardèrent pas à rentrer à leur tour, et quelques uns s'approchèrent brièvement du Rouquin qui avait cassé la gueule au grand Bobby Candwell, pour lui signifier leur admiration et leur dévouement sans bornes confiance en lui en tant que chef de bande. Après tout, n'était-il pas celui-qui-avait-puni-la-grosse-brute-du-quartier ?
Hybris restait silencieux, souriait d'un air entendu, hochait brièvement la tête comme dans les films. Il goûtait le pouvoir. Il venait de comprendre que la défense de ceux qui s'estimaient innocents, ou tout du moins plus faibles, rapportait infiniment plus que l'association avec les brutes. D'abord parce qu'il y avait plus de faibles que de forts (peu d'enfants, au pied du mur, osaient réellement faire le plus de mal possible à un adversaire), et ensuite pour l'image resplendissante que cela procurait auprès des forts qui se posaient en défenseurs désintéressés des faibles.
Sans compter que les faibles étaient aisés à diriger, étant de par leur nature de faibles d'un naturel docile.

Depuis ce temps-là, Hybris avait compris que les forts auraient toujours moins de volonté que lui. Qu'importait dès lors les rapports de force entre gens inférieurs, puisque lui était de toute façon supérieur à tous ?
Cependant, l'adolescent gardait toujours une tendresse bizarre et particulière pour les faibles, la première population qu'il lui avait été donné de contrôler.
C'est sans doute pour cette raison qu'un immense sourire se dessina lentement sur son visage alors qu'il aperçut M. Skorba, Skylark, nouvel élève de Saevitia qu'il était chargé d'accueillir. Le nouveau venu présentait plusieurs des caractéristiques des faibles : plus petit que lui, assez pâle, visiblement nerveux... Le sourire du Préfet s'élargit.

oO Pas forcément de la même variété que ceux de quand j'étais petit, mais ça, ça peut être qu'à mon avantage. Plus il aura de pouvoirs... Oo

S'approchant de Skylark -drôle de nom, au fait (1)- d'un pas enjoué, Hybris leva le bras pour le saluer d'un geste amical.

"Salut ! T'es bien Skylark Skorba, hein ? Je suis Hybris Kyftos, le Préfet de Saevitia. Bienvenue !"














(1) : ...dit le type qui s'appelait 'Hybris'

Une carotte géante. Voilà la toute première impression que donna la seconde personne dans le décor à Skylark. Ce qui n’était pas vraiment positif puisque le garçon n’était pas vraiment fana des légumes. Cependant, il savait, à force d’entendre l’exemple maternel le dire, qu’il ne fallait pas juger les autres sur leurs apparences mais juste sur leur manière d’agir. Et pour l’instant, à ce que l’adolescent voyait comme accueil l’autre avait l’air d’être quelqu’un de bien. Bien que la définition de ce mot semblait varier d’une personne à une autre, Skylark prenait les personnes souriantes et amicales comme des gens acceptables. Il n’avait certainement pas beaucoup d’expérience en la matière, mais s’était fait sa propre idée des autres avec ce qu’il avait apprit en regardant les séries pour adolescents qui passaient à la télévision. Et en général, l’excentrique avec une couleur de cheveux plus ou moins effrayante était classifié comme ‘Le bon copain’. Ne sachant pas trop comment s’y prendre, pour ne pas dire pas du tout, il se contenta de dire ce qui devait être dit dans ce type de cas…

« Oui, c’est moi. Merci. »

Le tout accompagné d’un léger sourire, un peu gauche, pour appuyer que ce n’était pas parce qu’il n’avait rien d’autre à dire qu’il n’était pas heureux de rencontrer… S’était quoi son nom déjà ? Le russe se maudit mentalement quelques secondes, se rendant compte qu’il n’avait pas du tout retenu le prénom du second individu. Ce qui était plus ou moins un problème… Il ne pouvait pas l’appeler ‘Carotte préfète’… Ca aurait été plus ou moins insultant. De plus, il avait un peu de mal avec le fait de tenir une conversation avec quelqu’un. Peut-être que c’était l’émotion de rencontrer quelqu’un pour la première fois ? Ou bien le fait que son anglais n’était pas parfait et que son accent russe se faisait un peu trop entendre dans ce qu’il disait. Cherchant une manière d’engager la conversation, parce qu’il sentait qu’il fallait qu’il le fasse, par politesse, curiosité ou tout autre truc du genre par ailleurs, l’adolescent chassa une mèche de cheveux noirs qui lui tombait devant les yeux. Ce qui était un acte vain puisque sa frange reprit sa place originale une demi-seconde plus tard.

« Excusez moi, mais vous pourriez me redire votre nom, s’il vous plaît ? »

Skylark savait qu’il retiendrait plutôt vite le nom de son préfet mais pour l’instant, ce n’était pas encore ça. Ouvrant sa besace, il en sortit un petit carnet rouge foncé et se lança dans la recherche d’un quelconque stylo ou crayon. Il n’aurait jamais du laisser sa mère faire elle-même son sac, tout dedans était mélangé. Sa main agrippa cependant un objet de plastique bien connu et le gamin sortit fièrement un stylo rouge tout neuf de son sac avec un léger sourire. Bon, maintenant, la question était de savoir pourquoi il avait fait ça… Ah oui ! Tendant le carnet et le crayon au garçon avec les cheveux roux, il le fixa de ses yeux vides une poignée de secondes avant de parler de nouveau.

« Si vous pouviez l’écrire là-dedans également. Pour que je puisse le retenir mieux. »







[Pourquoi j’ai la désagréable impression d’un fan-boy demandant un autographe à un type louche ? TwT
Edit : Le mister green est là aussi? TwT Mais il est partouuuut!
]

Le garçon esquissa un sourire maladroit, nerveux, et Hybris sentit sa confiance grandir.

oO S'il est perdu, je serai une bouée de sauvetage. Je pourrai facilement devenir son premier repère stable... et celui qui aura le plus d'ascendant sur lui. Premier arrivé, premier servi ! ...Et si c'est simplement moi qui l'intimide... c'est encore mieux *_____* Oo

Hybris hocha brièvement la tête avec un air d'infinie satisfaction lorsque son interlocuteur confirma son identité -en le remerciant. Ce n'était pas comme s'il pouvait se tromper, après tout, mais recevoir des autres une confirmation de son infaillibilité était toujours chose plaisante pour lui. Cela encourageait Hybris non seulement à se trouver dans de bonnes dispositions avec eux, mais lui instillait également le besoin sourd et diffus de leur rendre leur gentillesse (oO Ce n'est pas ça, je la mérite, je mérite cent fois plus, je n'ai pas à remercier, je n'ai pas à... Oo).
Ce fut donc avec une sincère bonne humeur qu'Hybris laissa s'échapper un petit rire amical, légèrement incrédule mais compréhensif, alors que Skylark lui demandait de répéter son nom.

"Ha ha ! Ouais, bien sûr, sans problèmes ! C'est Hybris, Hybris Kyftos !"

L'adolescent nota rapidement que son vis-à-vis avait un accent, qu'il avait du mal à identifier avec précision immédiatement -il était probablement originaire d'Orient, ou d'Europe de l'Est, cela dit. Tout en archivant brièvement cette nouvelle information dans la zone de son esprit qui serait désormais dédiée à Skylark Skorba, Hybris acquiesça à une nouvelle demande. Saisissant le crayon et le carnet que lui tendait l'autre garçon, il sourit largement.

"Okay, si tu veux !"

Tout en inscrivant son nom d'une écriture à la fois dynamique et lisible, il releva mentalement la tendance -peut-être aussi compulsive que la sienne- de Skylark à conserver les informations. Il lui rendit rapidement les deux objets.

"Et voilà ! M'oublie pas, maintenant, hein ? Au fait, si tu as des questions, ou besoin d'aide pour un truc, hésite pas à me demander ! Tu veux peut-être que je t'accompagne tout de suite au dortoir de Saevitia, histoire que tu t'installes ? Enfin, si tu préfères commencer par manger un morceau, on peut passer par la salle à manger, ils servent encore à cette heure-là."

Pour une première rencontre avec un autre adolescent humain, quoique sur ce point Skylark n’était sûr de rien, le bilan semblait agréablement positif. Ce jeune homme, malgré la couleur de cheveux défiant les lois de la logique, était apparemment quelqu’un de sympathique et prêt à venir en aide aux autres. Aucune arrière pensée ne vint d’ailleurs à l’esprit du russe que peut-être, je dis bien peut-être, Hybris était peut-être suspect dans le sens de ‘trop amical’. D’ailleurs, le cadet était plutôt content d’avoir le prénom et le nom de son camarade noté dans son carnet, ainsi il était sûr de s’en souvenir. Jetant un coup d’œil à l’écriture avant de ranger l’objet, il la trouva claire et agréable à lire. Sans compter la légère fascination qui traversa les pupilles vides du garçon face à l’alphabet utilisé. Lui-même était habitué à écrire avec les caractères russes et l’écriture des américains, européens et autres lui semblait toujours un brin étrange mais fascinante. Il se retint de passer les doigts sur l’écriture de son aîné et rangea simplement le carnet et le crayon dans sa besace.

Il articula sans voix le nom de son camarade, pour le retenir un peu mieux sans doute, avant d’être interrompu dans son exercice muet par la voix d’Hybris qui lui demandait s’il avait des questions ou ce qu’il voulait faire. A l’entente du groupe de mots ‘Manger un morceau’ son cerveau sembla avoir un temps d’arrêt à peine visible tandis qu’il commençait, intérieurement, à vaguement s’inquiéter.

*C’est délicat là… Qu’est ce que je dois répondre exactement ? J’ai faim mais si j’explique ce que je veux manger… Erm… Faudrait-il que je trouves un moyen de détourner ce que je veux dire pour que ça passe mieux ? *

Se rendant compte que son interlocuteur attendait sans doute une réponse, Skorba décida de se reprendre un peu et de dire la vérité. Après tout, au pire il risquait seulement de passer pour un fou, ce qui n’était en soi, pas si gravissime que ça en avait l’air. Regardant un peu en biais, ses yeux dénués de pupilles se posant sur une vieille pierre abîmée du mur, le russe donna enfin sa réponse, non sans qu’une légère hésitation se fasse ressentir dans le choix de ses mots.

‘Manger un morceau, hein ? Ca m’étonnerait qu’ils donnent à manger ce que je mange aux élèves.’

Skylark, ayant retrouvé du courage, même si c'était vraiment peu, laissa échapper un léger soupir avant de regarder de nouveau le second Saevitia, tout en évitant tout de même de croiser son regard.

‘Je suis… Adepte de la viande humaine plus que des plats traditionnels... Si vous voyez ce que je veux dire.’

Ca, c’était dit au moins. Et il n’avait pas vraiment de regrets de l’avoir avoué. Même si ça ne l’arrangeait pas vraiment d’avoir dévoilé ce fait aussi vite, au moins, il était débarrassé d’un poids sur sa conscience à présent. Et puis, ce n’était pas comme s’il avait directement dit qu’il voulait dévorer son condisciple après tout. L’idée ne l’ayant, aussi étonnant que cela puisse lui paraître, même pas effleuré. Peut-être que les cheveux oranges l’avaient dissuadé ?

[Dingue le nombre de gens qui n'ont jamais vu de roux, hein ? ]

Oh. Oh oh. Hybris reconnaissait là les prémices d'une situation déroutante. Hybris détestait les Situations Déroutantes. Ne pas savoir comment se placer par rapport à l'autre, ne plus discerner les affirmations sérieuses des plaisanteries, hésiter quant à la véracité d'un propos, perdre ses repères et oublier son rôle pour en arriver à se poser une question aussi vulgaire, triviale et animale que "Saurais-je faire front si je suis attaqué ? Puis-je résister à cela ? Suis-je le plus fort ? Arriverai-je à être le prédateur et non la proie ?" étaient en effet des choses des plus désagréables -et dégradantes, avec ça. Où était la fierté, dans une Situation Déroutante ?? Où était la conscience de sa supériorité, la tranquille certitude qu'il serait le gagnant à la fin du jeu, la superbe du leader sur lequel nul n'a l'ascendant ?
Hybris se mit à hésiter entre détester Skylark très fort de lui faire pressentir une Situation Déroutante, et se méfier simplement de lui -ce qui était déjà caractéristique d'une telle situation, merde !

L'adolescent se força néanmoins à garder la situation en main, et à improviser comme il l'avait rarement fait ces derniers temps. Il ressentit un bref élan de panique à l'instant de choisir son approche de l'anthropophagie, mais tenta de se reprendre et se décida pour une compréhension motivée par un idéal de tolérance :

"Oh. C'est pas commun par ici, quoique j'imagine que les lycanthropes et démons ne rechignent pas à l'occasion devant de la chair humaine..."

oO Je raconte que de la merde. ...Putain, le niveau de langage ! Oo

"Enfin, j'imagine que ça doit surtout pas être facile pour toi, avec les gens je veux dire. Remarque, je sais pas comment ça se passe pour toi ; est-ce que c'est motivé par un genre de croyance, ou t'aimes juste que la viande que tu trouves dans ton assiette soit de l'humain et pas du poulet parce que tu préfères le goût ?"

oO Tu te les procures encore vivants ou tu les achètes en conserve ? Oo

Hybris se débrouilla pour se donner un air curieux mais pas stressé, qu'il espérait compréhensif et amical, mais sans sourire déplacé.

oO Minable. Oo

Pour dire la vérité, l’adolescent ne semblait même pas s’apercevoir du trouble qu’il venait de causer à son camarade. Il faut dire aussi que, pour lui, ce qu’il venait de dire était normal. Enfin, tout aussi normal que la situation pouvait lui apparaître en fait. Tout en attendant la réponse de son aîné, c’est finalement ce qu’il avait conclu. Tout était normal. Une conclusion assez louche pour quelqu’un qui hésitait à s’exprimer sur le sujet du cannibalisme quelques minutes plus tôt. Après tout, les gens peuvent changer d’opinion assez vite, non ? Skylark le pouvait sur certains sujets. Là, par exemple, il n’estimait pas qu’il était coupable du trouble qu’il risquait de provoquer. Pourtant, malgré le fait qu’il semblait prit dans ses pensées, l’adolescent répondit tout de même à son camarade, sur son ton calme et dénué d’une quelconque mauvaise attention. De toute façon, ce n’était pas le genre du plus jeune des deux d’être méchant ou de vouloir faire peur. Et son aîné ne semblait pas effrayé non plus de son côté, donc tout allait bien.

'C’est de famille. Ma mère est cannibale parce qu’elle est démoniaque. Mon père pas vraiment. C’est un humain. Moi je tient de ma mère.'

Les phrases de Skylark étaient un brin entrecoupées. Peut-être parce qu’il cherchait à mettre les bons mots pour exprimer ce qu’il pensait. Foutu anglais. Le russe était bien plus simple pour s’exprimer. Peut-être parce qu’il pouvait le parler de manière bien plus libre que la langue des buveurs de thé où son vocabulaire était limité. A ce moment là, tout en se plaignant mentalement de la langue dans laquelle il devait s’exprimer, il se rendit compte qu’il risquait de faire un peu peur à Hybris si jamais il ne donnait pas de meilleures explications. Bien que le préfet n’avait pas l’air d’être effrayé, ça aurait été bête qu’il le devienne. Et dommage de le faire fuir. Comme il aurait fait pour trouver son chemin ici sans lui ?

'Je mange aussi des biscuits natures.'

Même si cette déclaration faisait un peu étrange dans la conversation, c’était la vérité. Skylark n’était cannibale qu’à 95% après tout. Et heureusement d’ailleurs. Le russe fit alors un pas en arrière, comme pour s’excuser des problèmes qu’il causait. Même si ce n’était pas de sa faute. Et qu’il ne voyait absolument pas quels pouvaient être les dit-problèmes. Cependant, il sentait qu’il devait s’éloigner. Ne serait-ce que par politesse. Ou bien à cause du sentiment de gêne qu’il commençait à ressentir et dont il ne comprenait absolument pas la raison.

'Mes excuses.'

Hybris scruta minutieusement le visage de Skylark alors que celui-ci lui répondait -de façon assez maladroite, soit dit en passant ; le sujet le rendait-il nerveux ? Ce n'était donc qu'une façade, cet air de n'en avoir rien à faire qu'il avait affiché en lançant, comme ça, qu'il était cannibale ?

oO Hybris, t'as été mauvais, très mauvais, sur ce coup-là. Oo

Le Préfet relâcha un peu la pression -inutile de paraître anormalement formel, quoique Skylark serait a priori susceptible de mettre ça sur le compte de la différence culturelle.

"Ah, demi-démon ? Y'en a pas mal à Héméra. Je me suis jamais demandé s'ils avaient des contraintes alimentaires particulières, mais j'vais réparer ça. Tu peux rien manger d'autre, ou c'est juste ton plat préféré ?"

oO ...Là, dans un film d'horreur, il me demanderait "Tu veux le découvrir par toi-même ?" ou alors il m'inviterait à dîner, ou un truc du genre. ...En même temps, dans un film d'horreur, je serais une bimbo. Uh... Oo

Hybris allait ajouter quelque chose -n'importe quelle connerie pour rattraper sa connerie d'avant, ou pour meubler cette conversation qui partait -à lui la faute- dans tous les sens- quand Skylark lâcha qu'il mangeait également des biscuits nature.
Le rouquin produisit un genre d'éclat de rire, peut-être un brin moins enjoué que ceux dont il avait l'habitude, mais il savait qu'il ne vaut mieux pas chercher à forcer le trait sous le coup du stress. ...Autant garder le contrôle de son corps, s'il avait déjà foiré ses répliques.
Ce fut donc avec un sourire retrouvé et un rire bref qu'Hybris répondit à Skylark :

"Ah, ça, je pense qu'on aura déjà moins de mal à en trouver ce soir ! Va falloir aller en chercher directement aux Cuisines, du coup... Y'a pas d'heure limite, à part le couvre-feu, puisqu'il y a pas de service. On a le temps d'aller poser tes affaires dans le dortoir d'abord, si tu veux. Après, si t'as très faim, on peut commencer quand même par les biscuits."

En écoutant les paroles d’Hybris, Skylark se rendit compte qu’il n’était pas aussi unique qu’il le pensait. En effet, ayant vécu dans une sorte de cocon de protection, il n’avait jamais osé penser qu’il verrait un jour d’autres demi-démons. Et pourtant, d’après les paroles de la carotte, il y en avait pas mal dans l’école. Bon, en un sens, ce n’est pas comme s’il ignorait l’existence d’autres personnes de son espèce. Sa mère lui racontait souvent des histoires sur sa famille et les demi-démons étaient assez courant visiblement. Mais le fait d’en rencontrer d’autres signifiait une acception de la part de Skylark de son statut de ‘membre d’un groupe’ et plus de ‘enfant unique’ . Tout un programme. Et on ne peut pas vraiment dire que cela lui faisait plaisir, même s’il n’avait pas vraiment le choix. Le russe tenta de ne pas montrer sa gêne à ce moment précis, mais cette dernière fut tout de même visible lorsqu’il tripota la lanière de sa besace, tout en évitant de regarder son vis-à-vis.

Cependant, le bruit que produisit l’aîné des deux personnes, quoique c’était plutôt un rire qu’un bruit, sembla un brin détendre l’atmosphère. Pour Hybris tout du moins. Parce que le russe restait toujours un peu en retrait, comme intimidé. Mais après tout, comment ne pas l’être face à la prestance de Boubou à un inconnu aux cheveux oranges. Ecoutant les paroles d’Hybris, tout en évitant toujours de le regarder, lui préférant les pierres du sol de l’édifice qui étaient certes moins colorées mais moins intimidantes, il assimila lentement les paroles qu’on lui disait. Ce fut un peu plus long qu’avant pour qu’il répondre, peut-être parce qu’il y avait beaucoup de mots et que son esprit n’était pas encore parfaitement habitué à l’anglais. Sans doute Sky’ manqua t-il un ou deux mots mais ce n’était pas très grave puisqu’il comprit l’essentiel de ce que lui disait le préfet. Posant, enfin, de nouveau son regard sur lui, tout en préférant s’intéresser aux cheveux de l’individu qu’a ses yeux, l’adolescent fit un léger hochement de la tête.

'Eh bien… Je ne voudrais pas… Déranger. Même si les biscuits me semblent bien.'

Un peu de mal avec les mots ce coup-ci. Mais dans l’ensemble, cela restait cohérent et facile à comprendre. Peut-être même qu’avec le temps, il arriverait à se débarrasser de son accent russe si prononcé… Avec un peu de chance. Admirons également comme, tout en disant ne pas vouloir faire de choix, il avait tout de même prit la réponse la moins pratique. Enfin, selon lui tout du moins. En un sens, poser son sac avant ne le dérangeait pas, mais il avait surtout envie de manger quelque chose, et non pas quelqu’un pour une fois.

'C’est comme vous voulez.'

Solution de facilité, là encore.

Hybris eut un hochement de tête encourageant, non pas pour signifier à Skylark de ne pas hésiter à se lancer et à donner son opinion, mais plutôt pour approuver silencieusement son indécision et le fait qu’il s’en remette à son Préfet –oh, déjà, si tôt…

oO Je suis si bon que ça ? …Oui, Mr. Kyftos, vous êtes un bon. Un putain de bon ! Oo

L’adolescent sourit de plus belle et fit donc ce que son brave petit camarade attendait de lui –qu’il prenne la tête des opérations, qu’il se pose en leader, en chef, en maître !

« Puisque c’est comme ça, on n’a qu’à aller dans les Cuisines d’abord. T’inquiètes pas pour le dérangement, les elfes de maison adorent avoir de la compagnie (1) ! T’as que ce sac comme bagages ? »

Hybris désigna la besace du jeune Russe tout en parlant. Comprenait-il bien tout ce qu’il lui disait, au fait ? La pensée venait tout juste de le frapper : son vis-à-vis avait peut-être du mal à saisir tout ce qu’il lui déblatérait depuis le début, d’où peut-être ses réponses lapidaires. Le Préfet se gifla mentalement et se promit de faire plus attention à l’avenir. Il ne voulait pas que les petits nouveaux se sentent mal à l’aise, n’est-ce pas ?

oO Ca va aller. J’en suis sûr. Je peux me faire confiance sur ce coup-là, comme pour le reste :mrgreen : Oo







(1) : …Hybris, you big fat liar -_-‘

La solution des cuisines était la meilleure de toute manière. Parce que le petit avait faim. Même s’il n’aurait jamais fait ce choix si on lui avait laissé. Pour ne pas dire qu’il ne faisait pas de choix. C’était trop compliqué et puis, il y avait toujours des gens pour les faire à votre place. Il observa quelques instants le sourire de son aîné avant de marquer une légère hésitation avant de faire un léger hochement de tête.

« D’accord. »

Si la majorité des explications étaient bien passées, le terme bagages échappa quelques instants au jeune russe. Ca ne faisait pas exactement parti du vocabulaire courant qu’on lui avait enseigné. Ce qui ne l’empêcha pas de comprendre au bout de quelques instants grâce au geste effectué par le préfet. Peut-être qu’il s’était aperçu que Skylark avait l’air un brin confus. La raison n’avait pas vraiment d’importance de toute façon.

« Oui, je n’ai que ça. »

Des elfes de maisons ? Oh, sa mère lui en avait très vaguement parlé un jour mais il ne savait même pas quoi à ça ressemblait. En tout cas, d’après ce que Hybris en disait, ils étaient plutôt sympathique. Il verrait bien. Mais il avait déjà une bonne opinion sur ces petites choses à présent. Un brin re-motivé par les paroles de son vis-à-vis, le gamin commença à marcher, faisant quelques pas dans la direction opposée à celle de son arrivée, avant de s’arrêter aussi vite qu’il avait démarré. Se tournant vers l’autre garçon, avec un air légèrement gêné au visage, il s’aperçu qu’il ne savait pas le moins du monde où il allait. Voilà pourquoi il ne devait pas prendre d’initiative.

« Hum… Euh… Allons-y alors. »

Lanca t-il timidement avant d’attendre qu’Hybris le guide. Il se reposait déjà sur une personne qu’il connaissait à peine. Ca commençait bien ce séjour ici.