Dès le matin, Madeleine s’était enfermée dans la salle de travail en équipe, consciente que peu de personnes s’y rendraient. La mine boudeuse, assise sur une table, les jambes se balançant dans le vide, elle avait entrepris de se rappeler toutes les choses à court terme qui ne lui convenaient pas.
Elle ne s’habituait pas à loger dans des dortoirs communs. Plus que la différence d’âge, la différence d’éducation entre elle et ses condisciples était flagrante. Madeleine avait tenté d’en discuter avec Sene (son lit était à côté du sien), mais Sene n’avait pas eu d’avis sur la question. Sene n’avait d’avis sur rien, pauvre créature, mais c’était une brave fille.
Il y avait plus globalement les « élèves » de cette école. Madeleine ne pouvait s’empêcher de se demander ce que l’on attendait d’elle, en la faisant vivre au milieu de monstres. Peut-être s’attendait-on à ce qu’elle en devienne également un ? La Remissus pressentait que c’était ce que cachait cette « intégration » dont on lui avait fait l’éloge. N’était-elle pas ici pour une autre raison, plus honorable et plus noble ? Elle se rappela vaguement de sir Amadeo. Malgré quelques maladresses, quelques incohérences, et son physique pour le moins étrange, il avait cependant été capable d’éveiller son intérêt, et pas seulement parce qu’elle avait eu pendant quelques minutes la peur infantile de devenir comme lui. Elle tenait à ses yeux ! Elle tenait à ce que son caractère corresponde à son aspect extérieur !
Madeleine tendit les jambes et contempla la pointe de ses pieds. Au final, cet endroit était ennuyant. Ceux qu’elle côtoyait étaient obtus ; ils la considéraient injustement comme trop jeune alors même qu’ils avaient un comportement bien trop puéril pour leur âge. Elle était constamment sous-estimée et mise à l’écart. Ils ne lui laissaient aucune prise à laquelle s’accrocher, et c’est tout juste s’ils se rappelaient d’elle.
"Non, ça n’est pas normal", se répéta-t-elle.